05 avril 2012

Sur l'Apparence et la Superficialité

Par quirkybird - Source: Flickr
On dit souvent que les discussions sur les vêtements, le style ou l'apparence sont superficielles et frivoles, au mieux. Mais quand j'ai commencé à remettre en question mon style personnel et mon apparence, le processus m'a fait réfléchir à beaucoup de choses, sur mes habitudes de consommation, mes choix vestimentaires.

Ce qui a amené des débats  sur l'estime de soi, la construction de l'identité, le comportement du consommateur que j'ai trouvé très intéressants.

Cependant, j'ai vu et lu des choses récemment qui me font comprendre ces préjugés sur les vêtements et l'apparence. Non seulement beaucoup de magazines féminins ne sont en fait rien de plus qu'un énorme catalogue de publicité qui nous dit quoi acheter et comment s'habiller "à la mode" comme tout le monde, mais même les articles traitant de sujets culturels (films, livres, séries...) semblent être de plus en plus réducteurs. Comme s'il y avait tout un mouvement visant à taire tous les sujets à débat contenus dans ces œuvres et limiter les discussions aux sujets les plus superficiels: l'apparence, ou les produits dérivés.

J'ai noté deux exemples flagrants de ce que j'essaye d'expliquer ci-dessus, dans la façon dont ils passent complètement à côté du message de l’œuvre culturelle pour réduire le débat à des sujets superficiels. Ces deux cas sont la série télé Mad Men et le livre et film Hunger Games.

  • Mad Men
La série Mad Men se place aux Etats-Unis au début des années soixante, à peine quelques années avant le mouvement de contestation général qui a ébranlé nos sociétés "occidentales". A travers les personnages principaux de la série, plusieurs types de femmes de cette époque sont représentés: la secrétaire sexy traitée comme un objet, la femme carriériste confrontée à un monde d'hommes, la femme au foyer qui fait tout comme il faut mais qui est malheureuse... Le groupe de personnes qui ont créé la série, essentiellement composé de femmes, voulait décrire une société des années 60 rigide, conservatrice et étouffante, et dresser un portrait terrible de la condition féminine de l'époque.

Mais que reste-t-il de ce message dans la presse (principalement la presse féminine)? Des articles sur le féminisme et les progrès acomplis depuis cette époque? Le chemin qu'il reste à parcourir vers plus d'équité et de liberté? Eh non. En fait, les articles sur Mad Men dans la presse féminine ne sont que louanges du style vestimentaire et de l'apparence physique des personnages - habillez-vous comme les femmes de Mad Men! Comme Mona Chollet l'explique dans son ouvrage Beauté Fatale, les nouveaux visages de l'aliénation féminine, "alors que la série explore les dégâts causés par l'obession de l'apparence, la réception médiatique et la stratégie commerciale ne parle que de.... l'apparence."

En gros, elle explique que tout le débat, la critique sous-jacente de la série Mad Men a été complètement annihilé, et, que, ironiquement, l'un des éléments principaux que critiquent les créateurs de la séries, la façon dont les femmes existent à travers leur apparence, devient un élément principal que la presse féminine met en avant au sujet de Mad Men. Ils incitent les femmes à s'habiller comme les femmes des années soixante, avec des jupes, des talons hauts et de jolis petits chignons - c'est tellement in. Qu'est devenu le combat de nos mères contre tout cela ces dernières décennies? Sommes-nous en train de régresser pour ne nous intéresser plus qu'aux questions les plus superficielles d'apparence et de séduction plutôt que de réellement travailler, réfléchir et nous libérer de cette vision surannée de la femme?

Je suis encore en train de réfléchir et de faire des recherches sur tout ça, donc je vais laisser le débat sur ces questions pour aujourd'hui, mais j'avoue que je trouve la constatation assez effrayante.

  • Hunger Games
J'ai présenté la série de livres Hunger Games il y a quelques jours, et, si vous ne vivez pas dans une caverne en haut de la montagne, vous avez sûrement remarqué que le premier tome a été adapté en block-buster générateur de gros millions. L'adaptation en film n'est pas l'élément qui a retenu le plus mon attention.

Ce que j'ai trouvé choquant, c'est plutôt toute la stratégie commerciale autour du film. Pour replacer les Hunger Games dans leur contexte, l'univers est une société  dystopique qui place notre futur dans un monde où quelques riches oisifs et vains vivent dans une grande ville technologique et consomment à outrance, font des fêtes, mangent et boivent plus que nécessaire alors que la majeure partie de la population vit parquée dans des "Districts" industriels, vivant dans la pauvreté et fabriquant tous ces produits qui seront gaspillés par les plus riches.

En tant que lectrice, j'ai vu un message dans cette société dystopique où le meurtre d'adolescents est réduit à une émission de télé populaire, où tout le monde porte des robes à la mode et arbore un look excentrique, complètement ignorants de la terrible condition des habitants des Districts. J'ai vu cette situation comme une critique de notre propre société de consommation, consommant et gaspillant de l'énergie et des produits alors que la plus grande partie de notre monde travaille pour créer ces produits et survivent dans la pauvreté. Cela devrait nous faire réfléchir sur nos habitudes de consommation, notre société et l'ensemble de notre système économique.

Source: Brand Channel

Au lieu de cela, cela nous fait acheter des produits dérivés Hunger Games.  Katniss utilise un arc pour tuer les autres candidats? Eh bien les ventes d'arcs ont augmenté dans les magasins de sport. Et les gens achètent des T-Shirts, des pins, des sacs et des sous-vêtements(!) Hunger Games. Encore plus ironique, les studios Lionsgate ont créé un tumblr dont le thème est d'être à la mode des habitants du Capitole (oui, ces gens riches et vains...). Donc, attendez une minute, le livre décrit une caricature de notre société de consommation à travers les gens du Capitole qui teintent leur peau, se font greffer des moustaches de chat et portent des vêtements ridicules et que faisons-nous? Nous commençons à nous habiller comme eux???

Pire encore, le livre décrit l'ironie et la cruauté du Capitole lorsqu'ils interviewent les candidats (ceux qui passent à la télé pour s'entre-tuer), en leur faisant porter des tenues de couturiers, s'entraîner pour les Jeux, répondre à des questions sur un plateau, comme si leur sort n'était qu'un sujet d'amusement. Et que faisons-nous? Nous créons un programme de fitness appelé "entraînez-vous comme un candidat"! (train like a tribute).

Donc, non seulement nous ne comprenons pas le message de l'oeuvre sur notre société, en plus, nous nous comportons aussi stupidement que les habitants du Capitole dans le livre. Qu'est-ce que cela dit sur nous? Peut-être que c'est moi qui réfléchis trop et qu'il n'y a pas de critique de notre société dans Hunger Games, mais je trouve toute cette affaire bien inquiétante quand même...

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