16 juin 2014

Le Coût du Minimalisme

Photo Personnelle //Juin 2013

Parmi les détracteurs du minimalisme, beaucoup reprochent au mouvement d'être conçu pour des classes sociales supérieures, qui peuvent se permettre le luxe de se payer de la qualité là ou un smicard a du mal à boucler ses fins de mois. Faut-il réellement disposer d'un budget confortable pour adopter cette approche?


L'un des principaux reproches adressé au site Life Edited, et à leur initiative d'aménager de petits espaces pour les rendre pratiques et agréables à vivre, est que ces aménagements, et les produits qu'ils mettent en avant, sont coûteux. Leur solution pour vivre dans de petits espaces semblerait donc réservée à une certaine classe sociale.

Le livre sur la simplicité de Dominique Loreau a reçu le même type de critique lorsqu'elle parle de plaid en cachemire et d'intérieur conçu pour cacher les prises et autres éléments gênants du quotidien. Toutes ces considérations semblent bien futiles pour un foyer qui peine à payer ses factures et à remplir son frigo.

Même s'il sera plus difficile pour un foyer à bas revenu de se payer la qualité optimale, je pense qu'une approche de simplicité peut s'appliquer à quasiment tous les budgets.

Le Prix de la Qualité

Tout d'abord, parce qu'il s'agit de qualité adéquate, et non de la meilleure qualité disponible. L'un des avantages de la société de consommation est que parmi toutes les options disponibles,  il est possible de trouver une qualité acceptable à un budget raisonnable, si on ne se laisse pas aveugler par l'image de marque et les promesses marketing. Le tout est de définir et reconnaître le bon niveau de qualité.

Une personne à budget limité peut alors trouver des objets de bonne qualité à bon prix grâce aux brocantes, aux sites de revente comme Le Bon Coin, aux périodes de soldes et autres magasins de fins de séries. Je me souviens avoir acheté une table basse en bois massif pour 30€ quand j'étais étudiante par exemple, ou encore d'avoir acheté des services de verres à liqueur pour quelques euros dans un vide-grenier.

Enfin, l'oeil entraîné reconnaît la qualité intrinsèque d'un produit - à travers sa matière, sa forme, ses finitions. Lorsque l'on prend le temps d'inspecter les objets avant de les acheter, on se rend compte que les produits de qualité ne sont pas toujours les plus inabordables, même en magasin classique.

Le défi: Je pense que la principale difficulté ici est justement de savoir reconnaître un objet de qualité. Nous sommes tellement habitués aux produits de consommation de masse, fabriqué avec des matériaux bons marchés sans aucun savoir-faire, que beaucoup d'entre nous ne savons plus comment reconnaître la qualité. A mon avis, il ne faut pas hésiter à se renseigner sur les matières, les finitions, les saisons, ce ne sont pas les ressources qui manquent sur Internet!

L'État d'Esprit

Consommer dans une démarche de simplicité est un état d'esprit, qui change la façon de consommer sans forcément augmenter le budget matériel global, même si le prix d'un objet de qualité est plus élevé. En effet, privilégier la qualité va de pair avec acheter moins en quantité, économiser pour se payer le bon objet plutôt que d'en acheter dix en soldes ou sur les têtes de gondole des supermarchés.

Dans un état d'esprit de simplicité, l'avoir revêt moins d'importance, c'est l'utilisation qui compte - trouver un objet adéquat pour l'utilisation que l'on en a, et non posséder des objets en un certain nombre, ou d'une certaine marque.  Un minimaliste n'hésite pas, par exemple à emprunter ou à louer les objets dont il n'a qu'une utilisation occasionnelle, ce qui est moins coûteux que de tout acheter. Peu de minimalistes collectionnent les objets pour le seul but de la collection.

Enfin, dans cet état d'esprit d'utilisation, les critères sur lesquels le minimaliste choisit ses objets sont liés à son utilisation quotidienne. Quel est le but de cet objet, comment est-ce que je l'utilise? Doit-il être plutôt utile, plutôt beau, un peu des deux? Quels sont mes besoins, mes contraintes? Dans une démarche de simplicité, on apprend à considérer les caractéristiques de l'objet en fonction de l'utilisation qu'on va en avoir. Ceci permet d'adopter une démarche plus critique dans la démarche d'achat, et de tomber moins facilement dans les pièges du marketing.

Le défi: Le choix proposé aujourd'hui.  Comme le dit Dan Gilbert, il existe tellement de choix aujourd'hui que la prise de décision peut devenir difficile, voire paralysante. Dans ce cas-là, je pense que la solution n'est pas d'évaluer toutes les options pour trouver la solution optimale, mais plutôt de partir de nos propres besoins et critères, et s'arrêter dès que l'objet adéquat est trouvé.

La Mode du Minimalisme

En parlant de pièges du marketing, il se trouve que la simplicité, l'épure, mais aussi l'esthétique "zen", ont le vent en poupe ces derniers temps. Impossible encore de dire s'il s'agit d'une lame de fond ou d'un effet de mode, mais les marques se sont certainement approprié le phénomène pour en faire une image et un argument de vente. Un peu comme le "greenwashing", qui est la reprise de l'argument écologique comme image marketing, sans réel effort "vert" de la part de l'entreprise.

Je pense qu'une partie de cette idée que le minimalisme coûte cher est liée à ces marques. D'une esthétique minimale, ces marques s'adressent aux classes sociales supérieures et proposent souvent des objets à prix élevé. Par exemple, on peut noter des marques de vêtements comme A.P.C, dont les modèles et les magasins sont épurés.

Il n'est pas interdit d'acheter auprès de ces marques-là si les objets correspondent réellement à ses besoins, mais bien souvent cette enveloppe "minimaliste" se limite à l'image de marque, et le rapport qualité-prix n'est pas toujours au rendez-vous. Un minimaliste ne se sent pas obligé d'acheter auprès de ces marques pour valider sa démarche ou son statut. En fait, un minimaliste ne se sent pas obligé de valider quoi que ce soit, donc une marque se vendant avec un esprit "minimaliste" n'aura pas d'impact sur le minimaliste si l'objet en lui-même ne remplit pas ses critères d'utilité ou de beauté.

Le défi: Reconnaître un réel besoin d'une validation de statut.  C'est humain, surtout dans notre société actuelle, dont le marketing, influencé de psychologie, se base dessus, de vouloir définir son identité, ou valider sa démarche, à travers l'achat de certains objets ou de certaines marques. Et il est parfois difficile de s'en détacher. Mais nous pouvons agir de manière consciente et, la prochaine fois que vous souhaitez faire un achat, demandez-vous si l'objet remplit vraiment vos besoins d'utilité et de budget, ou s'il est simplement une manière de "valider" votre démarche.


La simplicité est un état d'esprit: prioriser l'utilisation par rapport à l'avoir, les critères de qualité et de praticité par rapport à la validation d'un statut social, et surtout, bien réfléchir avant d'acheter. Une démarche qui peut être appliquée à quasiment n'importe quel budget et qui, à long terme, mène à des économies puisqu'elle permet de limiter les achats inutiles et d'investir dans des objets plus durables.

4 commentaires:

  1. c'est ça la clé ! réfléchir à ses besoins avant d'investir dans une nouvelle possession, quel qu'en soit le prix. Tu le décris très bien. Et c'est vrai qu'il m'arrive parfois de remettre en question le minimaliste en ce qui concerne les coûts d'achats de choses de qualité qui durent longtemps. Mais quand je vois dans quel état sont devenues mes affaires pas chères à l'achat, après plusieurs mois d'utilisation intensive, et qu'ils sont tout abimés, ça prouve que la qualité est très importante !
    Mais la qualité ne veut pas forcément dire prix élevé, je possède un set de draps blancs en coton, que j'utilise une semaine sur deux depuis au moins deux ans et qui sont encore en parfait état alors que je les ai eu pour une bouchée de pain !
    En fait, je pense qu'il faut simplement être vigilants lorsque l'on choisit un produit neuf, et ne pas hésiter à inspecter sous toutes les coutures un produit d'occasion qui nous plait.
    Merci pour ton article, comme toujours très intéressant et bien écrit Kali :)
    la bise
    Eva

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    1. Je pense en effet qu'aujourd'hui le lien entre la qualité et le prix n'est pas aussi clair et linéaire qu'il a pu l'être à une certaine époque, avant la production de masse et l'immensité des choix que l'on a sur le marché. On peut trouver des objets de qualité tout à fait abordables et qui nous accompagnent pendant des années, et des objets, parfois même chers, qui claquent au bout de quelques mois. C'est une question de vigilance en effet, mais aussi parfois de chance, on ne peut pas tout savoir ni tout vérifier.
      Merci en tout cas, je suis ravie que ça te plaise ;)
      ++
      Kali

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    2. Salut Kali!
      Je trouve ton post vraiment intéressant, merci de l'avoir écrit.
      Je m’intéresse depuis une dizaine d'année au minimalisme et je trouve étonnant, et un peu dérangeant, de voire que de plus en plus ce sujet est exploité et dénaturé en quelque sorte. Personnellement je trouve que le minimalisme c'est quelque chose de très personnel, très intime, et je suis persuadée que un/une minimaliste ne doit pas forcement se "reconnaître de loin" ou rentrer dans une case.
      Pour moi le fait d'analyser le rapport avec ses possessions proposé par le minimalisme est un moyen pour se mettre dans le bain, ça représente que le début. Le but pour moi, c'est de se mettre en marche pour arriver, après maintes retournements, à voir clair dans sa propre vision du monde et adopter CELLE-CI comme ligne de conduite, en vivant totalement en accord avec sa nature.
      Du coup le choix de ses possessions deviens, comme tu a exprimé de façon très très juste, adéquat, et je pense que alors, naturellement, l'attention, l'énergie et le temps consacrés aux "choses" seront spontanément redirigés vers d'autres intérêts et activités.
      Je me suis rendue compte qu'au final c'est ça qui m'avait séduite de L'Art de la Simplicité... le fait que à travers un certain nombre de choix et de'actions, l'auteure a dévoilé à elle-même sa nature. Mais ce qui a marché pour elle, n'est pas forcement universel, même si c'est vrai que s'éloigner du consumérisme peut être très positif dans un grand nombre de cas.
      Ciao Ciao!
      Gentucca

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    3. Hello!
      Merci beaucoup pour cette note. Je suis d'accord que le minimalisme et la simplicité sont arrangés à toutes les sauces ces dernières années, et très repris par le marketing, avec le concept de base "dénaturé" au passage. En effet je pense aussi que le concept n'est pas de rentrer dans une case, mais le fait de nommer quelque chose ou quelqu'un de "minimaliste", paradoxalement, le met justement dans une case.

      Effectivement, la tendance est de mettre l'accent sur les objets - que ce soit leur esthétique épurée, ou bien le fait de purger ses placards et vider son appartement, et au final toute la composante découverte de soi, et suivre son propre chemin en conséquence, se sont que peu abordés au final. Au final, le focus sur les possessions matérielles est, comme tu le dis, temporaire, et il est censé permettre de s'en détacher pour consacrer son temps et son énergie à autre chose.

      C'est vrai qu'au final Dominique Loreau présente sa version de la simplicité, son univers, les éléments et les règles qui fonctionnent pour elle. Le seul truc que je trouvais dommage dans son livre l'Art de la Simplicité, c'est qu'elle le présente comme la marche à suivre, et je ne me retrouve pas dans tout ce qu'elle écrit. Puis, pour avoir vécu au Japon, je trouve qu'elle caricature beaucoup la nature et la culture des Japonais pour que cela colle à son discours. Mais je suis d'accord que dans tous les cas, s'éloigner du consumérisme, quelle que soit la forme que prend le propre chemin de chacun, ne peut être que bénéfique!

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